René Barjavel s’est éteint il y a tout juste 22 ans, le 24 novembre 1985. Ecrivain, auteur, dialoguiste, il est un des artistes Français qui ont marqué la seconde moitié du XXème siècle, nous lui rendons hommage aujourd’hui.
La Charrette Bleue de René Barjavel (1980 - Denoël).
Pour "une fois" l'auteur de ‘‘Ravage’’ (plus d'un million d'exemplaires vendus) et de ‘‘La Nuit des Temps’’ ne nous parle pas de la fin du monde, mais il nous livre une histoire vraie et simple, celle de son enfance jusqu’au décès de sa mère (il est né en 1911).
Conséquence de la première guerre mondiale ; arrivée du premier aéroplane ; découverte de la lecture ; etc... Tels sont les grands moments de la vie du petit René Barjavel, certes ce n'est pas Zola, mais c'est la vérité toute simple, celle qui nous parle, qui nous touche.
Mais quelques extrais de textes parlerons mieux de l'ouvrage que moi :
"Nous regardons Illy [le charron] se livrer à une de ses opérations magiques. Sur un grand cercle de fer couché à terre il a entassé des copeaux et des morceaux de bois sec, déchets légers de son atelier, puis d'autres plus gros, et les a allumés en quatre endroits en croix. Maintenant, une couronne de feu brûle sur le cercle. La morsure de la braise et des flammes l'oblige à grandir. Il s'étire, se dilate, s'ouvre encore. Il faut qu'il devienne aussi grand, plus grand que la roue de bois neuf qui l'attend, couchée à quelques pas de lui, et à laquelle il est destiné à s'unir."
"[les paysans de la Drôme] vivent presque sans argent. Ils produisent tout ce qui est nécessaire aux besoins quotidiens.
Ce qui s'achète doit durer. Les vêtements durent toute une vie. La charrette servira à celui qui l'a commandée et aussi à son fils et son petit-fils. Du moins il le pense. Il ne peut pas imaginer la camionnette, le tracteur, et le cercle infernal de dettes dans lequel la mécanisation, la production forcé, vont jeter les prochaines générations de paysans. Son petit-fils aura de l'argent, mais plus il en gagnera plus il en empruntera. Lui ne doit rien. Jamais. Avoir des dettes est une honte. On économise sou par sou, année par année."
"Les femmes chantent à la maison, à la cour et au jardin, les hommes chantent dans les champs et à l'atelier. Le transistor les a fait taire. Aujourd'hui c'est la ferraille qui chante dans tous les chantiers. A l'homme, il ne reste que la ressource de grogner."
"Dans leur dure enfance, leurs parents leur ont appris à être honnête, et leur ont, par l'exemple, montré, chaque jour, à chaque heure, qu'il n'y a pas d'autre façon de vivre que de se conduire droitement, avec simplicité."
"Oui, pour les Français de cette génération, les Français humbles, les Français qui travaillaient durement sur leur terre ou à leur établi, le mot France pouvait être un lumineux compliment.
La France, pourtant, ne leur donnait rien, ni retraite, ni sécurité, sociale ou non, ni allocations ni indemnités. Mais elle était. La France. Etre français n'était pas une vanité idiote ou une revendication hargneuse. C'était une certitude, et une chaleur. Mon grand-père, ma mère, ma tante Lydie, étaient des Français de cette France-là."
A lire également, le pendant de La Charrette Bleue : Journal d’un Homme simple (1951 -Denoël), où cette fois l’auteur ne nous compte pas ses souvenirs mais nous livre tel quel ses écrits de son journal intime entre 1939 et 1951 (réédité en 1982).
René Barjavel (1911-1985)